🚼 Anti-gaspillage : obligations issues de la loi AGEC

Le gaspillage pĂšse lourd sur l’environnement comme sur l’économie. Pour y rĂ©pondre, la France a adoptĂ© la loi AGEC, vĂ©ritable pilier de l’économie circulaire. Plastiques Ă  usage unique, invendus, rĂ©parabilitĂ©, info-tri
 cette loi impose de nombreuses obligations aux acteurs Ă©conomiques. Objectif : rĂ©duire les dĂ©chets Ă  la source et transformer durablement nos modes de production et de consommation.

Dans cet article

Lutte contre le gaspillage : un enjeu environnemental majeur

La lutte contre le gaspillage est aujourd’hui un enjeu central de la transition Ă©cologique. Chaque Français produit en moyenne plus d’une demi-tonne de dĂ©chets par an, et environ 10 millions de tonnes de nourriture sont jetĂ©es chaque annĂ©e en France.

Face Ă  ces coĂ»ts Ă©conomiques et environnementaux importants, la France s’est dotĂ©e d’objectifs ambitieux, notamment rĂ©duire de 50 % le gaspillage alimentaire d’ici 2025 (par rapport Ă  2015) dans la distribution et la restauration collective, et d’ici 2030 pour les autres secteurs. Ces objectifs de rĂ©duction ont Ă©tĂ© appuyĂ©s par des mesures lĂ©gislatives en faveur de la lutte contre le gaspillage alimentaire telles que le pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire, la loi Garot de 2016 ou encore les lois Egalim.

Mais le gaspillage ne se trouve pas uniquement dans le domaine alimentaire ! Si on prend le secteur textile par exemple, en moyenne c’est 26 kg de textiles consommĂ©s et 11 kg jetĂ©s au niveau europĂ©en ! Sans compter la consommation du plastique avec 70 kg utilisĂ©s par an pour un français, ce qui place la France parmi les plus gros consommateurs de plastique en Europe.

Il Ă©tait donc nĂ©cessaire de rĂ©former le systĂšme en profondeur en s’inscrivant dans une dĂ©marche globale d’économie circulaire, visant Ă  passer d’un modĂšle « produire-consommer-jeter » Ă  un modĂšle plus durable oĂč les dĂ©chets deviennent des ressources. C’est en ce sens que la loi anti-gaspillage pour une Ă©conomie circulaire, aussi connue sous la loi AGEC, a Ă©tĂ© adoptĂ©e. La loi AGEC marque un tournant en fixant des objectifs nationaux ambitieux et en dĂ©ployant de nombreuses mesures concrĂštes pour rĂ©duire les dĂ©chets, favoriser le rĂ©emploi et informer les consommateurs, en s’articulant autour de 5 grands axes.

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La loi AGEC : cinq grands objectifs pour en finir avec le gaspillage

La loi n° 2020-105 du 10 fĂ©vrier 2020 relative Ă  la lutte contre le gaspillage et Ă  l’économie circulaire ou loi AGEC vise Ă  accĂ©lĂ©rer le passage Ă  une Ă©conomie circulaire, en s’attaquant Ă  toutes les Ă©tapes du cycle de vie des produits. Ses dispositions s’organisent autour de cinq axes majeurs :

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Sortir du plastique jetable

L’objectif phare de la loi est d’éliminer progressivement les plastiques Ă  usage unique. Elle fixe notamment une cible « zĂ©ro emballage plastique Ă  usage unique d’ici 2040 », dĂ©clinĂ©e par pĂ©riodes de cinq ans via des objectifs de rĂ©duction, de rĂ©utilisation et de recyclage (dits objectifs 3R).

ConcrÚtement, ça donne quoi ?

  • Depuis 2021, de nombreux produits plastiques Ă  usage unique du quotidien sont interdits (pailles, couverts, coton-tiges, etc.).
  • En entreprise, vous ne pouvez plus distribuer gratuitement des bouteilles d’eau en plastique.
  • Depuis 2022, si vous ĂȘtes classĂ©s ERP (Ă©tablissement recevant du public), vous devez installer une fontaine Ă  eau.
  • En 2023, les emballages plastiques superflus sont Ă©galement supprimĂ©s (par exemple, les restaurants fast-food ont dĂ» mettre en place de la vaisselle rĂ©utilisable pour les consommations sur place).
  • Les tickets de caisse c’est fini puisque la loi AGEC a posĂ© l’interdiction d’impression systĂ©matique des tickets de caisse et de bon d’achat. Si vous souhaitez votre ticket, vous devez le demander !
Source : MinistÚre de la transition écologique

Mieux informer les consommateurs

Pour inciter Ă  des comportements plus responsables, la loi AGEC renforce l’information environnementale du consommateur. L’objectif est de rendre les produits plus lisibles sur leurs impacts, leur fin de vie et leur rĂ©parabilitĂ©.

  • Cela passe par un meilleur Ă©tiquetage avec la signalĂ©tique Info-tri et le logo Triman qui deviennent obligatoires dĂšs 2022. Cette indication permet de mieux trier les dĂ©chets du quotidien (pots de yaourt, emballages en carton, tĂ©lĂ©phone portable..) grĂące Ă  une indication claire et prĂ©cise sur l’endroit oĂč le dĂ©chet doit ĂȘtre dĂ©posĂ© (poubelle de tri, point de collecte, dĂ©chetterie
). Fini les hĂ©sitations devant les poubelles : un simple coup d’Ɠil sur l’emballage indique le bon geste Ă  faire.
  • La loi AGEC a Ă©galement créé l’indice de rĂ©parabilitĂ©, obligatoire pour plusieurs produits (smartphone, ordinateur portable, lave-vaisselle..) dĂšs le 1er janvier 2021. ConcrĂštement, cet indice de rĂ©parabilitĂ© vise Ă  informer le consommateur sur le caractĂšre rĂ©parable de son achat, avec une note sur 10 (plus on s’approche du 10, plus l’appareil est facile Ă  rĂ©parer).
  • Cet indice de rĂ©parabilitĂ© sera remplacĂ© Ă  partir de 2025 par l’indice de durabilitĂ© pour les tĂ©lĂ©viseurs et les lave-linge hublot et top. L’indice de durabilitĂ© met en place une meilleure information du consommateur sur le caractĂšre plus ou moins durable de ses achats de produits Ă©lectriques et Ă©lectroniques.

Comme le prĂ©cise l'article R541-221, un arrĂȘtĂ© spĂ©cifique sera publiĂ© pour chaque catĂ©gorie d’équipement concernĂ©e. Si pour l'instant en 2025 seuls les tĂ©lĂ©viseurs et les lave-linges le sont,  d'autres Ă©quipements Ă©lectriques et Ă©lectroniques sont susceptibles d'ĂȘtre concernĂ©s par cet indice de durabilitĂ©, dĂšs lors qu'un arrĂȘtĂ© sera adoptĂ© en ce sens.

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  • Un grand chantier en cours est celui de l’affichage environnemental global des produits, souvent Ă©voquĂ© sous l’appellation de « score environnemental » ou « Ă©co-score ». L’idĂ©e est de proposer, Ă  l’instar du nutri-score alimentaire, une notation synthĂ©tique de l’empreinte Ă©cologique d’un produit (tenant compte de son cycle de vie complet : extraction des matiĂšres premiĂšres, fabrication, transport, usage et fin de vie). La loi AGEC et la loi Climat et RĂ©silience de 2021 ont posĂ© les bases de cet affichage environnemental en France. Une phase d’expĂ©rimentation volontaire a eu lieu dans plusieurs secteurs (notamment dans celui du textile) pour dĂ©finir des mĂ©thodes de calcul et des formats de prĂ©sentation comprĂ©hensibles.
  • Enfin, la rĂ©glementation s’attaque Ă©galement aux allĂ©gations environnementales trompeuses, dans un souci de clartĂ© pour le consommateur. Affirmer qu’un produit est « biodĂ©gradable » ou « respectueux de l’environnement » sans justification objective est dĂ©sormais prohibĂ©. En ce sens, l’article L541-9-1 du code de l’environnement interdit les mentions telles que « 100% biodĂ©gradable » sur un produit ou un emballage si celui-ci ne se dĂ©grade pas dans des conditions naturelles ou domestiques raisonnables. De mĂȘme, l’usage de logos ou de slogans Ă©co-responsables fallacieux peut ĂȘtre assimilĂ© Ă  du greenwashing, passible de sanctions au titre de pratiques commerciales trompeuses.

Lutter contre le gaspillage et pour le réemploi solidaire

Ne plus jeter ce qui peut encore servir c’est le mot d’ordre !

  • La loi AGEC interdit dĂšs 2022 la destruction des invendus non alimentaires (vĂȘtements, chaussures, produits d’hygiĂšne, etc.) et oblige les entreprises Ă  les rĂ©employer via le don ou, Ă  dĂ©faut, le recyclage.
  • Dans le domaine alimentaire, l’obligation de don aux associations caritatives, dĂ©jĂ  en vigueur pour les supermarchĂ©s, a Ă©tĂ© Ă©tendue aux grossistes alimentaires. L’objectif est double : rĂ©duire le volume de dĂ©chets et encourager la solidaritĂ© en donnant une seconde vie aux produits.
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  • La loi AGEC a créé un label national « anti-gaspillage alimentaire » pour valoriser les acteurs exemplaires de la chaĂźne alimentaire qui rĂ©duisent le gaspillage. Ce label, dĂ©livrĂ© par des organismes certificateurs distingue notamment les commerces, restaurants ou industries agroalimentaires qui atteignent les objectifs de rĂ©duction du gaspillage fixĂ©s et qui mettent en place des actions concrĂštes.
  • De plus, les consommateurs sont encouragĂ©s Ă  apporter leurs propres contenants (tupperware par exemple) dans les commerces pour une vente Ă  emporter. Les commerçants sont obligĂ©s de les prendre, Ă  condition que les contenants soient propres et adaptĂ©s Ă  la nature du produit achetĂ©. À cette obligation s’ajoute celle de proposer une tarification plus basse pour les vendeurs de boissons lorsque le consommateur vient avec son rĂ©cipient rĂ©utilisable.
  • Enfin, dans le cadre de la commande publique, la loi AGEC impose l’achat de biens issus du rĂ©emploi, de la rĂ©utilisation, ou encore comportant de la matiĂšre recyclĂ©e aux acheteurs publics. La liste des biens concernĂ©s est listĂ©s par le dĂ©cret n° 2024-134 relatif Ă  l'obligation d'acquisition par la commande publique de biens issus du rĂ©emploi ou de la rĂ©utilisation ou intĂ©grant des matiĂšres recyclĂ©es et Ă  l'interdiction d'acquisition par l'Etat de produits en plastique Ă  usage unique (fournitures de bureau, mobilier urbain, matĂ©riel informatique
).

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Agir contre l’obsolescence programmĂ©e

  • D’aprĂšs l’article L213-4-1 du code de la consommation, l’obsolescence programmĂ©e se dĂ©finit “par l’ensemble des techniques par lesquelles un metteur sur le marchĂ© vise Ă  rĂ©duire dĂ©libĂ©rĂ©ment la durĂ©e de vie d'un produit pour en augmenter le taux de remplacement”. C’est d’ailleurs un dĂ©lit passible de deux ans d’emprisonnement et 300 000 € d’amende. La loi AGEC renforce la lutte contre le vieillissement prĂ©maturĂ© des produits en imposant l’affichage de l’indice de rĂ©parabilitĂ© (et bientĂŽt de durabilitĂ©) sur plusieurs catĂ©gories de produits, comme nous l’avons Ă©voquĂ© plus haut.
  • La loi anti-gaspillage a Ă©galement mis en place un « bonus rĂ©paration ». ConcrĂštement, un consommateur qui se rend chez un rĂ©parateur labellisĂ© pour faire rĂ©parer sa tondeuse aura une dĂ©duction du montant sur sa facture finale. L’objectif est d’encourager le consommateur Ă  rĂ©parer son produit, plutĂŽt que d’en acheter un neuf. Ce bonus rĂ©paration est financĂ© par les contributions financiĂšres versĂ©es aux Ă©co-organismes par les metteurs sur le marchĂ© des produits concernĂ©s (Ă©lectromĂ©nagers, vĂ©los, meubles de maison, tondeuses etc
). Ainsi, depuis le 1á”‰Êł janvier 2022, les metteurs sur le marchĂ© de smartphones et d’ordinateurs portables doivent assurer la disponibilitĂ© des piĂšces essentielles (batterie, Ă©cran, chargeur, etc.). Cette obligation a Ă©tĂ© par la suite Ă©largie par la loi Climat et RĂ©silience de 2021 Ă  d’autres Ă©quipements comme les outils de bricolage et de jardinage motorisĂ©s et les articles de sport et loisirs en 2023.

Cet axe de la loi AGEC se traduit Ă©galement par l’obligation pour les rĂ©parateurs de vĂ©hicules automobiles de proposer au client des piĂšces dĂ©tachĂ©es issues de l’économie circulaire (voir les articles R224-22 Ă  D224-25-5 du code de la consommation).

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Mieux produire

Enfin, la loi AGEC engage les industriels dans une dĂ©marche de production plus durable, en responsabilisant les producteurs sur l’ensemble du cycle de vie des biens.

  • L’économie circulaire repose sur l’idĂ©e que les fabricants et metteurs sur le marchĂ© doivent assumer la responsabilitĂ© du cycle de vie complet de leurs produits, jusqu’à leur fin de vie. Issu du droit europĂ©en, ce principe s’incarne depuis les annĂ©es 1990 dans les filiĂšres de ResponsabilitĂ© Élargie du Producteur (REP), sous le principe pollueur-payeur. Le concept est simple : qui fabrique ou vend un produit doit prĂ©voir ou financer la gestion de ce produit lorsqu’il devient dĂ©chet.

La loi AGEC Ă©largit le principe du pollueur-payeur via de nouvelles filiĂšres de ResponsabilitĂ© Élargie du Producteur (REP) (par exemple pour les jouets, les articles de sport, le tabac, les matĂ©riaux de construction ou encore les emballages industriels et commerciaux Ă  partir du 1er janvier 2025
).

À chaque fois, les producteurs de ces catĂ©gories doivent s’organiser (gĂ©nĂ©ralement via un Ă©co-organisme agréé par l’État) pour rĂ©cupĂ©rer les dĂ©chets correspondants, et atteindre des objectifs de recyclage fixĂ©s par la rĂ©glementation. Par exemple, dans le secteur du bĂątiment, une nouvelle filiĂšre impose aux fabricants de matĂ©riaux et d’équipements de BTP de financer des points de collecte des dĂ©chets de chantier et de veiller Ă  leur valorisation.

  • L’écoconception est Ă©galement mise en avant avec la crĂ©ation d’un plan quinquennal d’écoconception et de prĂ©vention (article 72 de la loi AGEC). Les metteurs sur le marchĂ© doivent dĂ©tailler les actions Ă  mettre en place pour atteindre les objectifs posĂ©s par la rĂ©glementation, Ă  savoir “rĂ©duire l’usage de ressources non renouvelables, accroĂźtre l’utilisation de matiĂšres recyclĂ©es et accroĂźtre la recyclabilitĂ© des produits dans les installations de traitement situĂ©es sur le territoire national” (article L541-10-12 du code de l’environnement).

En conclusion, la France s’est dotĂ©e d’un arsenal rĂ©glementaire complet pour lutter contre le gaspillage et promouvoir l’économie circulaire. De la production Ă  la consommation, en passant par la fin de vie des produits, chaque Ă©tape est dĂ©sormais encadrĂ©e par des obligations ou incitations : meilleure conception, limitation des plastiques jetables, interdiction de dĂ©truire des invendus, extension des filiĂšres REP, encouragement Ă  la rĂ©paration, information sincĂšre du public
 Il est essentiel de faire une veille rĂ©glementaire active sur ces sujets, tant les Ă©volutions sont rapides et nombreuses. C’est aussi un chantier toujours en cours car la politique de la loi AGEC s’étale de 2020 Ă  2040, et la rĂ©glementation continuera donc d’évoluer (la loi AGEC aura sans doute des « suites » ou renforts dans les annĂ©es Ă  venir), mais l’objectif final est clair : en finir avec le gĂąchis et inventer un modĂšle durable oĂč « rien ne se perd, tout se transforme », comme le disait Lavoisier.

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Sources :

FAQ

Pour aller plus loin sur la loi AGEC

Le logo Triman est-il obligatoire ?

Le logo Triman doit ĂȘtre apposĂ© dĂšs lors que le produit est susceptible d’ĂȘtre mis sur le marchĂ© Ă  destination d’un mĂ©nage. Si le produit est uniquement destinĂ© Ă  un usage professionnel, le logo Triman n’est pas obligatoire, mais facultatif !

Quelles sanctions en cas de non-respect de la loi AGEC ?

Des sanctions sont prévues selon les infractions : amendes administratives, poursuites pour pratiques trompeuses (notamment en cas de greenwashing), voire interdictions de mise sur le marché pour les produits non conformes. Des sanctions pénales sont également prévues par la loi AGEC : par exemple, l'exploitant d'un ERP qui ne met pas de fontaine à eau à disposition du public encourt une contravention de 5e classe (jusqu'à 1500 euros pour une personne physique et 7500 euros pour les personnes morales).

L’éco-participation est-elle une taxe ?

L’éco-participation est versĂ©e Ă  l’éco-organisme agréé et va servir Ă  allonger la durĂ©e de vie du produit, puis Ă  sa dĂ©pollution et Ă  son recyclage. l’éco-participation est pas versĂ©e Ă  l’État, ce n’est donc pas une taxe !