Lutte contre le gaspillage : un enjeu environnemental majeur
La lutte contre le gaspillage est aujourdâhui un enjeu central de la transition Ă©cologique. Chaque Français produit en moyenne plus dâune demi-tonne de dĂ©chets par an, et environ 10 millions de tonnes de nourriture sont jetĂ©es chaque annĂ©e en France.
Face Ă ces coĂ»ts Ă©conomiques et environnementaux importants, la France sâest dotĂ©e dâobjectifs ambitieux, notamment rĂ©duire de 50âŻ% le gaspillage alimentaire dâici 2025 (par rapport Ă 2015) dans la distribution et la restauration collective, et dâici 2030 pour les autres secteurs. Ces objectifs de rĂ©duction ont Ă©tĂ© appuyĂ©s par des mesures lĂ©gislatives en faveur de la lutte contre le gaspillage alimentaire telles que le pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire, la loi Garot de 2016 ou encore les lois Egalim.
Mais le gaspillage ne se trouve pas uniquement dans le domaine alimentaire ! Si on prend le secteur textile par exemple, en moyenne câest 26 kg de textiles consommĂ©s et 11 kg jetĂ©s au niveau europĂ©en ! Sans compter la consommation du plastique avec 70 kg utilisĂ©s par an pour un français, ce qui place la France parmi les plus gros consommateurs de plastique en Europe.
Il Ă©tait donc nĂ©cessaire de rĂ©former le systĂšme en profondeur en sâinscrivant dans une dĂ©marche globale dâĂ©conomie circulaire, visant Ă passer dâun modĂšle « produire-consommer-jeter » Ă un modĂšle plus durable oĂč les dĂ©chets deviennent des ressources. Câest en ce sens que la loi anti-gaspillage pour une Ă©conomie circulaire, aussi connue sous la loi AGEC, a Ă©tĂ© adoptĂ©e. La loi AGEC marque un tournant en fixant des objectifs nationaux ambitieux et en dĂ©ployant de nombreuses mesures concrĂštes pour rĂ©duire les dĂ©chets, favoriser le rĂ©emploi et informer les consommateurs, en sâarticulant autour de 5 grands axes.
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La loi AGEC : cinq grands objectifs pour en finir avec le gaspillage
La loi n° 2020-105 du 10 fĂ©vrier 2020 relative Ă la lutte contre le gaspillage et Ă lâĂ©conomie circulaire ou loi AGEC vise Ă accĂ©lĂ©rer le passage Ă une Ă©conomie circulaire, en sâattaquant Ă toutes les Ă©tapes du cycle de vie des produits. Ses dispositions sâorganisent autour de cinq axes majeurs :
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Sortir du plastique jetable
Lâobjectif phare de la loi est dâĂ©liminer progressivement les plastiques Ă usage unique. Elle fixe notamment une cible « zĂ©ro emballage plastique Ă usage unique dâici 2040 », dĂ©clinĂ©e par pĂ©riodes de cinq ans via des objectifs de rĂ©duction, de rĂ©utilisation et de recyclage (dits objectifs 3R).
ConcrÚtement, ça donne quoi ?
- Depuis 2021, de nombreux produits plastiques Ă usage unique du quotidien sont interdits (pailles, couverts, coton-tiges, etc.).
- En entreprise, vous ne pouvez plus distribuer gratuitement des bouteilles dâeau en plastique.
- Depuis 2022, si vous ĂȘtes classĂ©s ERP (Ă©tablissement recevant du public), vous devez installer une fontaine Ă eau.
- En 2023, les emballages plastiques superflus sont également supprimés (par exemple, les restaurants fast-food ont dû mettre en place de la vaisselle réutilisable pour les consommations sur place).
- Les tickets de caisse câest fini puisque la loi AGEC a posĂ© lâinterdiction dâimpression systĂ©matique des tickets de caisse et de bon dâachat. Si vous souhaitez votre ticket, vous devez le demander !

Mieux informer les consommateurs
Pour inciter Ă des comportements plus responsables, la loi AGEC renforce lâinformation environnementale du consommateur. Lâobjectif est de rendre les produits plus lisibles sur leurs impacts, leur fin de vie et leur rĂ©parabilitĂ©.
- Cela passe par un meilleur Ă©tiquetage avec la signalĂ©tique Info-tri et le logo Triman qui deviennent obligatoires dĂšs 2022. Cette indication permet de mieux trier les dĂ©chets du quotidien (pots de yaourt, emballages en carton, tĂ©lĂ©phone portable..) grĂące Ă une indication claire et prĂ©cise sur lâendroit oĂč le dĂ©chet doit ĂȘtre dĂ©posĂ© (poubelle de tri, point de collecte, dĂ©chetterieâŠ). Fini les hĂ©sitations devant les poubelles : un simple coup dâĆil sur lâemballage indique le bon geste Ă faire.
- La loi AGEC a Ă©galement créé lâindice de rĂ©parabilitĂ©, obligatoire pour plusieurs produits (smartphone, ordinateur portable, lave-vaisselle..) dĂšs le 1er janvier 2021. ConcrĂštement, cet indice de rĂ©parabilitĂ© vise Ă informer le consommateur sur le caractĂšre rĂ©parable de son achat, avec une note sur 10 (plus on sâapproche du 10, plus lâappareil est facile Ă rĂ©parer).
- Cet indice de rĂ©parabilitĂ© sera remplacĂ© Ă partir de 2025 par lâindice de durabilitĂ© pour les tĂ©lĂ©viseurs et les lave-linge hublot et top. Lâindice de durabilitĂ© met en place une meilleure information du consommateur sur le caractĂšre plus ou moins durable de ses achats de produits Ă©lectriques et Ă©lectroniques.
Comme le prĂ©cise l'article R541-221, un arrĂȘtĂ© spĂ©cifique sera publiĂ© pour chaque catĂ©gorie dâĂ©quipement concernĂ©e. Si pour l'instant en 2025 seuls les tĂ©lĂ©viseurs et les lave-linges le sont,  d'autres Ă©quipements Ă©lectriques et Ă©lectroniques sont susceptibles d'ĂȘtre concernĂ©s par cet indice de durabilitĂ©, dĂšs lors qu'un arrĂȘtĂ© sera adoptĂ© en ce sens.
đĄ Ne manquez plus la publication dâun nouveau texte rĂ©glementaire qui vous concerne. Avec la veille rĂ©glementaire Echoline, vous ĂȘtes notifiĂ©s des nouveaux textes en temps rĂ©el !
- Un grand chantier en cours est celui de lâaffichage environnemental global des produits, souvent Ă©voquĂ© sous lâappellation de « score environnemental » ou « Ă©co-score ». LâidĂ©e est de proposer, Ă lâinstar du nutri-score alimentaire, une notation synthĂ©tique de lâempreinte Ă©cologique dâun produit (tenant compte de son cycle de vie complet : extraction des matiĂšres premiĂšres, fabrication, transport, usage et fin de vie). La loi AGEC et la loi Climat et RĂ©silience de 2021 ont posĂ© les bases de cet affichage environnemental en France. Une phase dâexpĂ©rimentation volontaire a eu lieu dans plusieurs secteurs (notamment dans celui du textile) pour dĂ©finir des mĂ©thodes de calcul et des formats de prĂ©sentation comprĂ©hensibles.
- Enfin, la rĂ©glementation sâattaque Ă©galement aux allĂ©gations environnementales trompeuses, dans un souci de clartĂ© pour le consommateur. Affirmer quâun produit est « biodĂ©gradable » ou « respectueux de lâenvironnement » sans justification objective est dĂ©sormais prohibĂ©. En ce sens, lâarticle L541-9-1 du code de lâenvironnement interdit les mentions telles que « 100% biodĂ©gradable » sur un produit ou un emballage si celui-ci ne se dĂ©grade pas dans des conditions naturelles ou domestiques raisonnables. De mĂȘme, lâusage de logos ou de slogans Ă©co-responsables fallacieux peut ĂȘtre assimilĂ© Ă du greenwashing, passible de sanctions au titre de pratiques commerciales trompeuses.
Lutter contre le gaspillage et pour le réemploi solidaire
Ne plus jeter ce qui peut encore servir câest le mot dâordre !
- La loi AGEC interdit dĂšs 2022 la destruction des invendus non alimentaires (vĂȘtements, chaussures, produits dâhygiĂšne, etc.) et oblige les entreprises Ă les rĂ©employer via le don ou, Ă dĂ©faut, le recyclage.
- Dans le domaine alimentaire, lâobligation de don aux associations caritatives, dĂ©jĂ en vigueur pour les supermarchĂ©s, a Ă©tĂ© Ă©tendue aux grossistes alimentaires. Lâobjectif est double : rĂ©duire le volume de dĂ©chets et encourager la solidaritĂ© en donnant une seconde vie aux produits.

- La loi AGEC a créé un label national « anti-gaspillage alimentaire » pour valoriser les acteurs exemplaires de la chaßne alimentaire qui réduisent le gaspillage. Ce label, délivré par des organismes certificateurs distingue notamment les commerces, restaurants ou industries agroalimentaires qui atteignent les objectifs de réduction du gaspillage fixés et qui mettent en place des actions concrÚtes.
- De plus, les consommateurs sont encouragĂ©s Ă apporter leurs propres contenants (tupperware par exemple) dans les commerces pour une vente Ă emporter. Les commerçants sont obligĂ©s de les prendre, Ă condition que les contenants soient propres et adaptĂ©s Ă la nature du produit achetĂ©. Ă cette obligation sâajoute celle de proposer une tarification plus basse pour les vendeurs de boissons lorsque le consommateur vient avec son rĂ©cipient rĂ©utilisable.
- Enfin, dans le cadre de la commande publique, la loi AGEC impose lâachat de biens issus du rĂ©emploi, de la rĂ©utilisation, ou encore comportant de la matiĂšre recyclĂ©e aux acheteurs publics. La liste des biens concernĂ©s est listĂ©s par le dĂ©cret n° 2024-134 relatif Ă l'obligation d'acquisition par la commande publique de biens issus du rĂ©emploi ou de la rĂ©utilisation ou intĂ©grant des matiĂšres recyclĂ©es et Ă l'interdiction d'acquisition par l'Etat de produits en plastique Ă usage unique (fournitures de bureau, mobilier urbain, matĂ©riel informatiqueâŠ).
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Agir contre lâobsolescence programmĂ©e
- DâaprĂšs lâarticle L213-4-1 du code de la consommation, lâobsolescence programmĂ©e se dĂ©finit âpar lâensemble des techniques par lesquelles un metteur sur le marchĂ© vise Ă rĂ©duire dĂ©libĂ©rĂ©ment la durĂ©e de vie d'un produit pour en augmenter le taux de remplacementâ. Câest dâailleurs un dĂ©lit passible de deux ans dâemprisonnement et 300 000 ⏠dâamende. La loi AGEC renforce la lutte contre le vieillissement prĂ©maturĂ© des produits en imposant lâaffichage de lâindice de rĂ©parabilitĂ© (et bientĂŽt de durabilitĂ©) sur plusieurs catĂ©gories de produits, comme nous lâavons Ă©voquĂ© plus haut.
- La loi anti-gaspillage a Ă©galement mis en place un « bonus rĂ©paration ». ConcrĂštement, un consommateur qui se rend chez un rĂ©parateur labellisĂ© pour faire rĂ©parer sa tondeuse aura une dĂ©duction du montant sur sa facture finale. Lâobjectif est dâencourager le consommateur Ă rĂ©parer son produit, plutĂŽt que dâen acheter un neuf. Ce bonus rĂ©paration est financĂ© par les contributions financiĂšres versĂ©es aux Ă©co-organismes par les metteurs sur le marchĂ© des produits concernĂ©s (Ă©lectromĂ©nagers, vĂ©los, meubles de maison, tondeuses etcâŠ). Ainsi, depuis le 1á”Êł janvier 2022, les metteurs sur le marchĂ© de smartphones et dâordinateurs portables doivent assurer la disponibilitĂ© des piĂšces essentielles (batterie, Ă©cran, chargeur, etc.). Cette obligation a Ă©tĂ© par la suite Ă©largie par la loi Climat et RĂ©silience de 2021 Ă dâautres Ă©quipements comme les outils de bricolage et de jardinage motorisĂ©s et les articles de sport et loisirs en 2023.
Cet axe de la loi AGEC se traduit Ă©galement par lâobligation pour les rĂ©parateurs de vĂ©hicules automobiles de proposer au client des piĂšces dĂ©tachĂ©es issues de lâĂ©conomie circulaire (voir les articles R224-22 Ă D224-25-5 du code de la consommation).
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Mieux produire
Enfin, la loi AGEC engage les industriels dans une dĂ©marche de production plus durable, en responsabilisant les producteurs sur lâensemble du cycle de vie des biens.
- LâĂ©conomie circulaire repose sur lâidĂ©e que les fabricants et metteurs sur le marchĂ© doivent assumer la responsabilitĂ© du cycle de vie complet de leurs produits, jusquâĂ leur fin de vie. Issu du droit europĂ©en, ce principe sâincarne depuis les annĂ©es 1990 dans les filiĂšres de ResponsabilitĂ© Ălargie du Producteur (REP), sous le principe pollueur-payeur. Le concept est simple : qui fabrique ou vend un produit doit prĂ©voir ou financer la gestion de ce produit lorsquâil devient dĂ©chet.
La loi AGEC Ă©largit le principe du pollueur-payeur via de nouvelles filiĂšres de ResponsabilitĂ© Ălargie du Producteur (REP) (par exemple pour les jouets, les articles de sport, le tabac, les matĂ©riaux de construction ou encore les emballages industriels et commerciaux Ă partir du 1er janvier 2025âŠ).
Ă chaque fois, les producteurs de ces catĂ©gories doivent sâorganiser (gĂ©nĂ©ralement via un Ă©co-organisme agréé par lâĂtat) pour rĂ©cupĂ©rer les dĂ©chets correspondants, et atteindre des objectifs de recyclage fixĂ©s par la rĂ©glementation. Par exemple, dans le secteur du bĂątiment, une nouvelle filiĂšre impose aux fabricants de matĂ©riaux et dâĂ©quipements de BTP de financer des points de collecte des dĂ©chets de chantier et de veiller Ă leur valorisation.
- LâĂ©coconception est Ă©galement mise en avant avec la crĂ©ation dâun plan quinquennal dâĂ©coconception et de prĂ©vention (article 72 de la loi AGEC). Les metteurs sur le marchĂ© doivent dĂ©tailler les actions Ă mettre en place pour atteindre les objectifs posĂ©s par la rĂ©glementation, Ă savoir ârĂ©duire lâusage de ressources non renouvelables, accroĂźtre lâutilisation de matiĂšres recyclĂ©es et accroĂźtre la recyclabilitĂ© des produits dans les installations de traitement situĂ©es sur le territoire nationalâ (article L541-10-12 du code de lâenvironnement).
En conclusion, la France sâest dotĂ©e dâun arsenal rĂ©glementaire complet pour lutter contre le gaspillage et promouvoir lâĂ©conomie circulaire. De la production Ă la consommation, en passant par la fin de vie des produits, chaque Ă©tape est dĂ©sormais encadrĂ©e par des obligations ou incitations : meilleure conception, limitation des plastiques jetables, interdiction de dĂ©truire des invendus, extension des filiĂšres REP, encouragement Ă la rĂ©paration, information sincĂšre du public⊠Il est essentiel de faire une veille rĂ©glementaire active sur ces sujets, tant les Ă©volutions sont rapides et nombreuses. Câest aussi un chantier toujours en cours car la politique de la loi AGEC sâĂ©tale de 2020 Ă 2040, et la rĂ©glementation continuera donc dâĂ©voluer (la loi AGEC aura sans doute des « suites » ou renforts dans les annĂ©es Ă venir), mais lâobjectif final est clair : en finir avec le gĂąchis et inventer un modĂšle durable oĂč « rien ne se perd, tout se transforme », comme le disait Lavoisier.
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Sources :
- Vie publique - Quelle gestion des déchets en France ?
- Data Lab - Gaspillage alimentaire
- MinistÚre de la transition écologique - Gaspillage alimentaire
- MinistĂšre de lâagriculture - lutte contre le gaspillage alimentaire : les lois françaises
- MinistĂšre de la transition Ă©cologique - 5 ans de la loi anti-gaspillage pour une Ă©conomie circulaire : oĂč en est-on ?