🔥 Stockage de liquides inflammables dans les ICPE : comprendre la règlementation post-Lubrizol

Du plan post-Lubrizol au renforcement du cadre réglementaire

L’incendie survenu le 26 septembre 2019 sur le site de Lubrizol à Rouen a marqué un tournant majeur dans la réglementation applicable aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Cet accident industriel d’ampleur nationale a mis en lumière la nécessité de renforcer la prévention des risques liés au stockage de liquides inflammables et à la gestion des produits dangereux.

Dans le prolongement de cet événement, le Gouvernement a lancé un vaste plan d’action post-Lubrizol, destiné à :

• améliorer la sécurité des sites industriels,
• renforcer la transparence et la traçabilité des substances dangereuses stockées,
• et mieux encadrer la réglementation ICPE pour les exploitants.

Parmi les mesures phares de ce plan figure la révision du cadre réglementaire encadrant le stockage des liquides inflammables.

Depuis 2020, plusieurs arrêtés ministériels ont été publiés ou actualisés afin de clarifier les exigences applicables à chaque régime ICPE — autorisation, enregistrement ou déclaration — et d’introduire de nouvelles obligations de sécurité.

Ces textes ont pour objectif d’assurer une cohérence réglementaire entre les différents types d’installations, tout en adaptant le niveau d’exigence à la quantité et la nature des liquides inflammables stockés.

💡 Afin d’accompagner les exploitants dans la compréhension et la mise en œuvre de ces évolutions, l’INERIS (Institut National de l’Environnement Industriel et des Risques) a publié un guide de lecture des textes relatifs aux liquides inflammables (dernière version de janvier 2023).

La réglementation post-Lubrizol s’inscrit ainsi dans une logique de renforcement global de la sécurité industrielle : chaque site ICPE doit désormais être en mesure d’identifier les textes qui lui sont applicables et de s’assurer de sa conformité réglementaire.

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Panorama de la réglementation selon le régime ICPE

La réglementation applicable au stockage de liquides inflammables dépend du régime ICPE sous lequel est placée l’installation : autorisation, enregistrement ou déclaration.

Chaque régime dispose de textes de référence spécifiques, définissant les exigences techniques et administratives en matière de sécurité, de prévention des risques et de conformité réglementaire.

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Ces textes forment un ensemble cohérent, articulé selon le niveau de dangerosité et la quantité de liquides inflammables présents sur le site :

• plus le volume stocké est important, plus le régime ICPE est contraignant (de la déclaration à l’autorisation) ;
• chaque arrêté impose des mesures de prévention proportionnées au risque : dispositifs de rétention, ventilation, détection incendie, plans d’urgence, contrôle des fuites, etc.

💡 Les arrêtés du 3 octobre 2010 et du 24 septembre 2020 constituent le cœur du dispositif « post-Lubrizol » pour les ICPE autorisées, mais les exigences ont également été renforcées pour les régimes enregistrement et déclaration.

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Déterminer le texte applicable à votre site : points de vigilance

L’un des enjeux majeurs de la réglementation « post-Lubrizol » réside dans la détermination précise du texte applicable à chaque installation ICPE stockant des liquides inflammables.

En effet, selon la quantité, le type de stockage (réservoirs, récipients mobiles, entrepôts), et le régime ICPE (autorisation, enregistrement ou déclaration), les exigences réglementaires peuvent varier.

▶️ Étape 1 : Identifier le régime ICPE du site

▶️ Étape 2 : Recenser les types de stockage présents

▶️ Étape 3 : Quantifier les liquides inflammables et leur classification

▶️ Étape 4 : Vérifier les seuils d’application

▶️ Étape 5 : S’appuyer sur le guide de lecture de l’INERIS

▶️ Étape 6 : Maintenir une veille réglementaire active

Une fois ces étapes franchies, il est essentiel de traduire les exigences réglementaires en actions concrètes sur le terrain. Que dit précisément la réglementation, et comment la mettre en œuvre dans la pratique ?

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Compartimentage et rétention (récipients mobiles et réservoirs)

Pour les récipients mobiles (fûts, IBC, GRV, etc.) présents sur un site ICPE soumis à autorisation, la réglementation impose que chaque cellule de stockage de liquides inflammables soit découpée en zones de collecte d’une superficie maximale de 500 m².

Cette exigence vise à garantir la sécurité incendie et à assurer la compatibilité avec le dimensionnement du système d’extinction automatique.

L’arrêté du 24 septembre 2020 précise également les règles de rétention des liquides inflammables, qu’elle soit locale ou déportée, ainsi que les cas de dispense pour les cellules dont la superficie n’excède pas 500 m². Ces dispositions visent à limiter les risques de propagation en cas de déversement accidentel.

Concernant les réservoirs aériens manufacturés dans les ICPE soumises à autorisation, la cuvette de rétention doit permettre de recueillir le volume des déversements potentiels ainsi que les apports d’agent extincteur (mousse ou eau), calculés sur la plus grande surface susceptible d’être en feu.

Des règles spécifiques s’appliquent lorsque plusieurs stockages de liquides inflammables partagent la même cuvette. Ces exigences sont définies par l’arrêté du 3 octobre 2010.

Enfin, la règle générale de rétention, souvent mobilisée par les DREAL, prévoit — en l’absence de prescriptions particulières — une capacité de rétention équivalente à 100 % du volume du plus grand contenant ou à 50 % du volume total stocké.

Cette exigence constitue une bonne pratique de conformité réglementaire pour tout exploitant d’ICPE manipulant des liquides inflammables. Il est donc essentiel de vérifier ces seuils dans votre arrêté préfectoral afin d’assurer la conformité et la sécurité du site.

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💡 En pratique

• Découper la cellule (récipients mobiles) en “zones de collecte” matérialisées (murs bas, seuils, caniveaux obturables) ≤ 500 m² ; pentes du sol vers avaloirs étanches ; obturateurs manuels/automatiques vers rétention déportée dimensionnée (voir étude hydraulique incendie).
• Rétention “déportée” : prouver la tenue mécanique, l’étanchéité (épreuve), la capacité (volume de liquides + débits d’extinction sur la durée de manœuvre). Prévoir by-pass fermé en mode normal, ouverture pilotée “incendie”.
• Séparer les familles incompatibles (acides/oxydants/solvants halogénés, etc.) par compartiments dédiés et rétentions distinctes ; bannir les récipients “fusibles” (enveloppes fondant < 330 °C) ou les isoler conformément aux prescriptions.
• Réservoirs : calculer la cuvette = débordement potentiel + apport extincteur correspondant au taux d’émulseur requis pour le liquide le plus pénalisant et la plus grande nappe en feu ; vérifier l’effet thermique inter-rétentions (12 kW/m² admissible, 15 kW/m² avec refroidissement sous 15 min).

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Renforcement des mesures de protection incendie

La protection incendie dans les zones de stockage de liquides inflammables au sein des ICPE fait l’objet d’un encadrement réglementaire particulièrement strict.

Pour les récipients mobiles, l’arrêté du 24 septembre 2020 impose la mise en place de dispositifs de détection automatique et d’alarmes audibles afin d’assurer une alerte rapide en cas de départ de feu. Les exploitants d’ICPE doivent également prévoir des moyens d’extinction adaptés – qu’il s’agisse de mousse, d’eau, de RIA ou de colonnes sèches – en veillant à la sectorisation des zones de stockage et à la compatibilité des produits entre eux.

Le dimensionnement du système d’extinction doit être cohérent avec les zones de collecte définies dans l’étude de risques.

Concernant les réservoirs fixes, l’arrêté du 3 octobre 2010 précise les exigences relatives aux réseaux incendie, aux émulseurs conformes à la norme NF EN 1568, ainsi qu’aux débits et durées d’application nécessaires. Il impose également des mesures de refroidissement des réservoirs et fixe des seuils précis de flux thermiques admissibles entre rétentions : 12 kW/m² sans refroidissement et jusqu’à 15 kW/m² lorsque celui-ci est assuré.

Enfin, depuis l’accident de Lubrizol, les exigences ont été renforcées pour les sites Seveso. Tous doivent désormais disposer d’un Plan d’Opération Interne (POI), y compris ceux classés seuil bas. Ce plan doit être testé au moins tous les trois ans et articulé avec les plans externes (PPI et PCS) afin d’assurer une coordination efficace en cas d’incident.

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💡 En pratique

• Détection : couvrir cellules, locaux techniques, bureaux proches des stockages ; déclenchement alarme générale, fermeture/compartimentage et mesures automatiques prévues par le POI.
• Extinction automatique : choisir le type (sprinkler eau / mousse / déluge) en fonction de la classe de liquides et des densités d’arrosage ; vérifier débits/pressions (groupes incendie) et réserves (eau/émulseur) vs durées normatives.
• RIAs & moyens mobiles : maillage pour attaque initiale, coupure d’énergie, isolation des zones ; tenue des essais périodiques consignée.
• Eaux d’extinction : obturateurs sur réseaux, bassins dimensionnés, procédure heure-par-heure (qui ferme, quand, comment).

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Le cas des entrepôts couverts (rubrique ICPE 1510)

L’arrêté du 11 avril 2017, applicable à tous les régimes ICPE (déclaration, enregistrement et autorisation), encadre de manière détaillée les conditions de sécurité des entrepôts couverts relevant de la rubrique 1510.

Il fixe des exigences précises en matière de sectorisation, de détection incendie, de désenfumage, de stabilité au feu des structures, ainsi que sur les moyens d’extinction et la gestion des eaux d’extinction.

Ces dispositions visent à limiter la propagation d’un sinistre et à assurer la sécurité des personnes, des biens et de l’environnement.

L’arrêté impose également des limites de surface par cellule :

• Jusqu’à 3 000 m² lorsqu’aucun système d’extinction automatique n’est installé ;
• Jusqu’à 12 000 m² en présence d’un système d’extinction automatique conforme, sous réserve du respect de certaines conditions de hauteur et de configuration.

Des variantes peuvent être prévues selon la typologie de l’entrepôt, la nature des produits stockés ou les contraintes propres au site (hauteur sous plafond, densité du stockage, séparation physique entre zones…).

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💡 En pratique

• Découpage en cellules (murs EI, trappes coupe-feu, rideaux) selon 3 000/12 000 m² ; portes à fermeture automatique sur déclenchement.
• Détection & alarme couvrant cellules, locaux techniques, bureaux adjacents ; asservissements à désenfumage et compartimentage.
• Désenfumage et accès SIS (voies engins) conformes ; défense incendie (hydrants, réserves) démontrée par note hydraulique.
• Traçabilité des stocks par zone (nature/quantité/hauteur) pour modéliser flux thermiques/fumées et coordonner les secours.

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En résumé : anticiper et renforcer la prévention dans les ICPE

La réglementation post-Lubrizol marque une étape décisive dans la prévention des risques industriels liés au stockage de liquides inflammables.

Pour les exploitants d’installations classées (ICPE), il ne s’agit plus seulement de se conformer à des obligations techniques, mais bien d’adopter une démarche proactive de maîtrise du risque incendie.

En maintenant une veille réglementaire active et en s’appuyant sur les guides techniques de référence (comme celui de l’INERIS), les exploitants peuvent non seulement prévenir les sinistres, mais aussi renforcer la sécurité de leurs sites ICPE tout en répondant aux attentes des autorités et du public.

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Sources :

• Arrêté du 22 décembre 2008 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées soumises à déclaration sous l'une ou plusieurs des rubriques nos 1436, 4330, 4331, 4722, 4734, 4742, 4743, 4744, 4746, 4747 ou 4748, ou pour le pétrole brut sous l'une ou plusieurs des rubriques nos 4510 ou 4511
• Arrêté du 1er juin 2015 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations relevant du régime de l'enregistrement au titre de l‘une au moins des rubriques 4331 ou 4734 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement
• Arrêté du 11 avril 2017 relatif aux prescriptions générales applicables aux entrepôts couverts soumis à la rubrique 1510
• Arrêté du 24 septembre 2020 relatif au stockage en récipients mobiles de liquides inflammables, exploités au sein d'une installation classée pour la protection de l'environnement soumise à autorisation
• Arrêté du 3 octobre 2010 relatif au stockage en réservoirs aériens manufacturés de liquides inflammables, exploités au sein d'une installation classée pour la protection de l'environnement soumise à autorisation
• INERIS - Guide de lecture des textes relatifs aux liquides inflammables
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