Retraite anticipée pour carrière longue : 32 % des personnes éligibles n’y recourent pas

Date
18/04/2024
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April
Auteur
Domitille BORDEAUX
Catégorie
Actualités Réglementaires

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💡 Si la retraite anticipée pour carrière longue (Racl) représente la majeure partie des départs avant l’âge légal, elle fait l’objet d’un important non-recours (32 %). C’est ce qui ressort d’une étude de la Cnav examinée par le Conseil d’orientation des retraites (COR), lors de sa séance plénière du 14 mars consacrée aux départs anticipés à la retraite. L’étude compare également le profil des bénéficiaires avec les objectifs attribués au dispositif.

Les départs anticipés représentent un peu plus de 40 % des départs à la retraite, l’essentiel correspondant à des retraites anticipées pour carrière longue (Racl). Le COR a donc souhaité, lors de sa séance plénière du 14 mars, approfondir le sujet en dressant un panorama des assurés éligibles à une Racl, de ses bénéficiaires effectifs et de leurs principales caractéristiques et en s’intéressant au non-recours pour quatre générations (1953, 1954, 1955 et 1956).

Une majorité d’hommes parmi les bénéficiaires

Les Racl représentent 2,4 % de la population des 55-64 ans en 2022, soit environ 200 000 nouvelles entrées par an. Dans le régime général, elles correspondent à près du quart des départs à la retraite pour la génération 1953. Les bénéficiaires sont majoritairement des hommes même si la part des femmes a progressé entre les générations 1948 (22 %) et 1955 (33,5 %). Pour la génération 1955, les hommes qui partent en retraite anticipée sont majoritairement des ouvriers et les femmes des employées. Les ouvriers sont nettement sur-représentés et les cadres sous-représentés.

La Cnav relève par ailleurs que les pensions des hommes et des femmes du régime général ayant recouru au dispositif sont plus élevées que celles des assurés toutes catégories de départs confondues. Cela s’explique notamment par la complétude des carrières des bénéficiaires de Racl qui valident en moyenne 176 trimestres, contre 156 trimestres chez l’ensemble des assurés.

Un non-recours important

32 % des assurés du régime général nés entre 1953 et 1956 éligibles à Racl n’y recourent pas, révèle l’étude. Ainsi, environ 75-80 000 assurés pourraient partir en Racl chaque année.

Les assurés concernés par le non-recours sont principalement des femmes, nées à l’étranger, avec un niveau d’étude élevé (cadre), poly pensionnés ou encore qui ont atteint tardivement les conditions de la Racl. En outre, 52 % des assurés en non-recours partent à la retraite à l’âge légal et 41 % après l’âge légal avec une surcote. Ils commencent également leur première activité professionnelle plus tard que ceux qui y recourent.

Selon la Cnav, ces éléments permettent de fournir les probables raisons du non-recours au dispositif : la forte proportion des non recourant qui liquident à l’âge légal de droit commun et donc l’absence de gain significatif de pension lié au recul du départ tendrait à justifier une certaine méconnaissance des droits.

Pas de corrélation démontrée entre carrière longue et pénibilité du travail ou une moindre espérance de vie

La Racl permet d’éviter aux personnes ayant commencé à travailler tôt et qui auraient droit au taux plein du fait de leur durée cotisée d’être pénalisés par l’âge d’ouverture des droits.

Le dispositif est donc souvent vu comme concernant des personnes peu diplômées, donc peu qualifiées, ayant plus souvent exercé des métiers manuels ou pénibles, et par conséquent davantage susceptibles d’être « usées » par le travail à l’approche de la soixantaine. Or, il s’avère qu’en pratique, le lien entre l’éligibilité au dispositif et la pénibilité vécue en cours de carrière n’est pas aussi évident qu’il n’y paraît. D’une part, le dispositif requiert la validation d’une carrière cotisée complète, qui exclut par nature les assurés en moins bonne santé, susceptibles d’avoir connu des trous de carrière liés à la maladie ou à l’invalidité. D’autre part, les retraites anticipées pour carrière longue concernent actuellement pour l’essentiel des départs à 60 ans d’assurés ayant commencé à travailler avant ou à 21 ans : il ne s’agit plus forcément de personnes peu diplômées ayant exercé un métier manuel ou non qualifié.

Par ailleurs, la Racl pourrait se justifier par une espérance de vie et une durée de perception de la retraite moins importante des individus concernés. Mais cela n’est pas vérifié : les personnes bénéficiaires d’une Racl ont des niveaux de mortalité proches des bénéficiaires d’une pension normale hors Racl.

ℹ️ LA RETRAITE PROGRESSIVE : UN DISPOSITIF MAL CONNU ET PEU UTILISÉ - 31 200 personnes bénéficiaient de la retraite progressive en 2020, un chiffre en hausse depuis 2015. Les assurés semblent utiliser la retraite progressive comme un départ anticipé partiel, plus que comme un dispositif de prolongation d’activité. Globalement, les hommes partent en retraite progressive pour se rapprocher du taux plein tandis que les femmes utilisent ce dispositif pour partir avant l’âge légal, dans les deux cas avec une réduction d’activité. Dans certaines situations, la retraite progressive n’est pas avantageuse en comparaison du cumul emploi-retraite ou de la Racl. Mais pour 80 % des assurés à temps partiels éligibles en 2018, ce dispositif aurait constitué un effet d’aubaine, en améliorant leurs droits à durée de cotisation donnée. Dans ce cas, conclut le COR, le non-recours semble lié à une méconnaissance du dispositif.

Source :

Lamy Liaisons, Actualités du Droit, 20 mars 2024, Rachel Brunet

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